Le Cheval et l'Âne

 

En ce monde il se faut l'un l'autre secourir.

Si ton voisin vient à mourir,

C'est sur toi que le fardeau tombe.

Un Âne accompagnait un Cheval peu courtois,

Celui-ci ne portant que son simple harnois,

Et le pauvre Baudet si chargé qu'il succombe.

Il pria le Cheval de l'aider quelque peu :

Autrement il mourrait devant qu'être à la ville.

La prière, dit-il, n'en est pas incivile :

Moitié de ce fardeau ne vous sera que jeu.

Le Cheval refusa, fit une pétarade :

Tant qu'il vit sous le faix mourir son camarade,

Et reconnut qu'il avait tort.

Du Baudet, en cette aventure,

On lui fit porter la voiture,

Et la peau par-dessus encor.

 

Jean de la Fontaine